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Le Droit de l'Entreprise

DROIT DES SOCIETES
L'autonomie des personnes morales au sein d'un groupe
Publié le 01/03/2000
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La Cour de cassation a souvent affirmé que le principe de l'indépendance des personnes morales au sein du groupe de sociétés, rappelé par l'ensemble de la doctrine (G. Ripert et R. Roblot, Traité de droit commercial, T.1, ed. L.G.D.J., 1989, n°711, p. 550 et n°713², p.556; Contin et Houasse, l'autonomie patrimoniale des sociétés, D. 1971, chron., p.197; Com., 4 novembre 1987, Rev.Soc. 1988, p.393, note Le Cannu; Com., 24 mai 1982, Rev.Soc. 1983, p.361, note Béguin; Civ. 21 novembre 1934, S. 1936, I, p.289, note Rousseau; B. Bouloc, droit pénal et groupes d'entreprises, Rev.Soc. 1988, p.181; Ch. Freyria et J. Clara, de l'abus de biens et de crédit en groupe de sociétés, J.C.P. 1993, ed. E., I, 247; Y. Guyon, Droit des affaires, t. I, n°615; Paris, 21 novembre 1989 : Bull. Joly, p.186.) cédait en cas de fictivité de la personnalité morale ou de confusion des patrimoines des sociétés membres du groupe (Com., 28 mai 1991 : Rev. Soc. 1991, p.764; Com., 12 février 1980 : Bull. IV, n°73, p.57.).

Aussi, une distinction est-elle parfois opérée entre le faux groupe composé de sociétés fictives et le vrai groupe composé de personnes morales indépendantes (Ph Petel, note sous Paris, 21 novembre 1989, Bull. Joly 1990, p. 189.).

Il ne saurait être dérogé à la règle de l'indépendance des personnes morales membres d'un groupe quand bien même le juge relèverait-il l'unicité et l'imbrication d'intérêts de deux sociétés (Com. 20 octobre 1992, Rev. Soc. 1993, p.449.) dès lors qu'il n'observe pas l'imbrication des actifs et des passifs ou l'existence de flux financiers anormaux (Par ex. Com., 11 mai 1993, Bull. IV, n° 187, p. 133).

Certaines juridictions du fond, sensibles à la réalité économique du groupe, ont vu dans l'interdépendance des sociétés une cause d'extension véritable de la procédure collective (Versailles, 16 décembre 1987, D. 1988, Som., p.383, obs. A Honorat; Poitiers, 9 décembre 1987, Rev. Proc. Coll. 1988, n°4, p.346, obs. Didier; Paris, 20 mars 1986, Rev. Soc. 1987, p.98, obs. Guyon.).

Aussi, la doctrine fut-elle amenée à s'interroger sur le point de savoir si, dans d'autres hypothèses, dans lesquelles ni la fictivité des sociétés, ni la confusion de leurs patrimoines ne seraient caractérisées, la personnalité morale des sociétés ne pourrait passer au second plan derrière la réalité économique du groupe, et ce, notamment, dans le cadre d'une procédure collective.

Elle répondit par la négative à cette question (F. Derrida, l'unité d'entreprise est-elle une cause autonome d'extension de la procédure de redressement judiciaire ? Etude de jurisprudence : Mélanges Derrupé, GLN Joly et Litec, p.29; F. Derrida, P. Godé, J.P. Sortais, Redressement et liquidation judiciaires des entreprises, Dalloz, 3e ed., n°586, p.446. J-J Daigre, Le redressement judiciaire des groupes de sociétés : Petites Affiches, 19 février 1988, p.18. v. également Rev. Soc. 1989, p.289).

La Cour de cassation s'est également opposée à ce que l'interdépendance des sociétés ou l'unité économique du groupe puisse être considérée comme une cause d'extension véritable de la procédure de redressement judiciaire (Com. 11 mai 1993, le Quotidien juridique n°62 du 5 août 1993, p.2; plus directement : Paris, 26 octobre 1990, D. 1990, IR, p.284; Paris, 21 novembre 1989, J.C.P. 1990, ed. E, II, 15829, n°1, obs. Ph Petel).

En effet, non seulement une telle solution remettait en cause un principe fondamental du droit des sociétés mais encore elle conduirait à mettre en péril injustement les intérêts des créanciers des filiales in bonis au profit des autres créanciers (A Honorat sous Versailles, 16 décembre 1987, précité.).

La Cour de Cassation décide que, quand bien même sa gestion et sa trésorerie seraient-elles très centralisées, et quand bien même toutes les sociétés seraient dirigées par les mêmes mandataires, le groupe demeure composé de personnes morales indépendantes devant, en cas de redressement judiciaire, faire l'objet de procédures séparées (Com., 5 avril 1994, Rev. Soc. 1995, obs. Y. GUYON).

Des correctifs aux règles qui viennent d'être rappelées ont parfois été apportés, dans certaines hypothèses à cette jurisprudence, afin notamment de protéger les droits des tiers.

La Cour de Cassation a écarté, dans certains cas, la règle de l'autonomie des personnes morales pour faire droit à l'action d'un créancier d'une filiale.

La théorie de l'apparence.

Elle fonde, le plus souvent, ses décisions en ce sens, sur la théorie de l'apparence (Par ex. Com., 5 février 1991, Bull. IV, n°58, p.39; Com., 2 mai 1978, G.P. 1978, 1, pan. 291...). A titre d'exemple, une société mère peut être condamnée sur le fondement d'engagements pris par une filiale, parce qu'elle laissait croire au cocontractant qu'elle participait aux activités de sa filiale (Com., 5 février 1991, précité). Mais pour que l'apparence produise des effets de droit, il est nécessaire que le tiers ait réellement été abusé et qu'il établisse sa bonne foi, à savoir qu'il ait cru, de bonne foi, être en relation d'affaires avec la mère.

Les conséquences de l'immixtion dans la gestion d'une filiale

Auparavant, le caractère fautif ou en tous cas irrégulier de l'immixtion dans la gestion d'une entreprise était discuté (Par ex. Desdevises, l'immixtion dans la gestion d'une société, Economie et Comptabilité, n°133, décembre 1980, p.3).

Mais certains auteurs, relevant l'émergence d'un principe général de non immixtion en droit des affaires (v. l'excellente analyse de C. GERSCHEL, Petites Affiches, n°104 du 30 août 1995), considèrent que la gestion de l'entreprise est réservée à ses dirigeants et que des tiers commettent une faute en violant ce "monopole".

La jurisprudence est fluctuante s'agissant des conséquences de l'immixtion dans la gestion d'une entreprise.

Quelle est la frontière entre le contrôle légitime d'une filiale et l'immixtion dans sa gestion ?

La fictivité des sociétés

Les critères de la fictivité sont, certes, difficiles à appréhender au sein d'un groupe de sociétés.

Mais des critères utiles ont pu toutefois être dégagés.

Selon un auteur, une société est fictive lorsqu'il manque un de ses éléments constitutifs : l'affectio societatis, les apports formant le fonds social, la recherche de profits ou d'économies devant revenir aux associés, ou la contribution des associés aux pertes sociales (D. Ohl,les prêts et avances entre sociétés d'un même groupe, ed. Librairies Techniques, n°430, p.316.).

Qu'en est-il lorsqu'une seule personne exerce sur les société un contrôle étroit et décide, seul, de la politique à mener ? Y-a-t-il un véritable affectio societatis au sein de ces sociétés-investissements que le dirigeant gère comme un portefeuille de valeurs mobilières en opérant, selon les besoins, des transferts financiers par le jeu de comptes-courants réciproques ?

Qu'en-est il d'un groupe où aucune société n'a, en réalité, de volonté propre ? Sont-elles ou ne sont-elles pas fictives ? Dans quels cas ?

Les réponses apportées par la jurisprudence sont loin d'être claires, tant elles dépendent des circonstances de chaque espèce.

L'unité économique du groupe est consacrée, il est vrai, en droit comptable (comptes consolidés), en droit fiscal (régime de l'intégration fiscale) et, en droit du travail, par la Cour de cassation elle-même, notamment en ce qui concerne l'exécution de l'obligation de reclassement du salarié licencié pour motif économique (Soc. 17 décembre 1992, Bull. V, n°604, p. 381; Soc. 25 juin 1992, Bull. V, n°420, p.260; Soc. 15 mai 1991, Bull. V, n°238, p.145.).

Mais lareconnaissance de l'unité du groupe doit coexister avec le principe sacro-saint de l'autonomie des personnes morales au sein d'un groupe de sociétés.

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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