03
 
 
  LE CABINET
 
02
02
02
 
LES SERVICES
 
02
02
02
02
02
 
LES BULLETINS 02
01
 
02
02
02
02
02
02
02
02
02
02
 
 
 
02
02
02
02
02
Le Droit de l'Entreprise

DROIT DU TRAVAIL
La télédisponibilité à l'heure du déjeuner (limite)
Publié le 16/10/2004
Partager sur FacebookPartager sur LinkedinPartager sur Viadeo separateur version imprimable 

Avec une dizaine d'années de recul, nous réalisons à quel point les téléphones mobiles ou "portables" sont à la fois le meilleur des outils et le pire des instruments. Avec ce nouvel appendice, dont le dernier modèle est arboré fièrement par les cadres en goguette, désormais sous la forme d'une oreillette tout droit sortie d'un épisode de "Star Trek", la télédisponibilité n'a plus de limite.

Aux oubliettes, la pause bien méritée du midi ! Fini, le temps de ressourcement du déjeuner qui permettait de repartir avec plus d'énergie et de disponibilité. "Laisse ton portable branché, on ne sait jamais..." glisse discrètement le supérieur hiérarchique à son subordonné sur le point de quitter son bureau à l'heure du déjeuner.

Le malheur, c'est que la sphère professionnelle s'insinue doucement dans chaque pièce du domicile, jusque dans la chambre et atteint des périodes de repos de plus en plus nombreuses. "Comment, tu n'a pas de portable quand tu pars en vacances ? Mais s'il y a un "problème" dans ton service en ton absence...". Bref, les collègues eux-mêmes, victimes de cette nouvelle forme de servage (cf. E. Ray, Le droit du travail à l'épreuve des NTIC, p. 35 et s.) tentent (consciemment ou inconsciemment) de culpabiliser les réfractaires.

Pourtant - chacun a pu l'éprouver lors d'un congé parental, d'un congé de maternité ou d'un congé de maladie - personne n'est irremplaçable, que ce soit au bas ou au sommet de la pyramide et le monde (résumé par l'entreprise à laquelle on "appartient") continue à tourner, les "problèmes" ayant souvent une étonnante faculté à perdre leur urgence lorsque la date ou l'heure présentée comme fatidique est dépassée.

Le "culte de l'urgence" (cf. N. Aubert, Christophe Roux-Dufort ) est alimenté par ces technologies mobiles de la communication.

La Cour de cassation vient, par un arrêt en date du 17 février 2004 (ci-dessous) rappeler, avec une sagesse humaniste que "le fait de n'avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier un licenciement disciplinaire pour faute grave".

Certains pourront objecter qu'en l'espèce, le salarié était ambulancier et que le fait de ne pouvoir le joindre pouvait avoir des conséquences graves sur la santé des personnes susceptibles d'être transportées. Cette objection ne peut, à notre avis, être accueillie. Il appartient, en effet, à l'employeur de mettre en place une organisation du travail qui permette de répondre aux attentes et aux besoins des "clients" pendant les périodes de la journée où les salariés prennent des pauses (roulements, astreintes, etc.).

Du reste, la circonstance de "n'avoir pu être joint" est tout à fait inopérante compte tenu de l'absence de fiabilité et de régularité des réseaux herziens, particulièrement encombrés à l'heure du déjeuner...

La règle susmentionnée, qui tend à préserver le temps de repos des salariés en dehors des horaires de travail, est une règle d'application générale.

******************

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE.

17 février 2004. Formation restreinte. PRUD'HOMMES Arrêt n° 332. Cassation.

Pourvoi n° 01-45.889.

-------------------------------------------------------------------------------

Sur le pourvoi formé par M. Jean-Bernard Raze, demeurant Le Bonaparte, 17, avenue François de Monléon, 06190 Roquebrune-Cap-Martin,

en cassation d'un arrêt rendu le 18 septembre 2001 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (17e chambre sociale), au profit de M. Philippe Mazzola, demeurant 23, rue Paul Morillot, Ambulance Aqua Sud, 06500 Menton,

défendeur à la cassation ;

LA COUR,

Sur le moyen unique :

Vu les articles L. 122-40 et L. 122-14-3 du Code du travail ;

Attendu que M. Jean-Bernard Raze a été engagé comme ambulancier, le 9 janvier 1995, par la société Ambulances Aqua Sud ; qu'il a été licencié pour faute grave le 19 novembre 1998 pour avoir refusé d'assurer son service et avoir mis la vie de personne en danger et l'avenir de l'entreprise en péril ;

Attendu que pour débouter le salarié de l'intégralité de ses demandes, l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 18 septembre 2001) retient que ce dernier a sciemment couru le risque de négliger une urgence et de mettre en danger un patient en refusant de répondre aux trois appels téléphoniques que son employeur a passé sur son téléphone portable personnel le 6 novembre 1998 entre 12 heures 30 et 13 heures ; que ce comportement irresponsable caractérise la faute grave, l'employeur ne pouvant, sans risque majeur, conserver à son service même pendant la durée limitée du préavis, un salarié bafouant l'éthique de la profession ; qu'en statuant comme elle l'a fait alors que le fait de n'avoir pu être joint en dehors des horaires de travail sur son téléphone portable personnel est dépourvu de caractère fautif et ne permet donc pas de justifier un licenciement disciplinaire pour faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 septembre 2001, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne M. Mazzola aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Sur le rapport de Mme Manes-Roussel, conseiller référendaire ; M. BOURET, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président.

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



  CONTACTS :01Tél. : 09 61 45 85 24 (demander maître ALIX) 02 e-mail : alix@virtualegis.com  

  © Pascal Alix - 1999 à 2024 - Tous droits réservés - Virtualegis ®