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Le Droit de l'Entreprise

DROIT DU TRAVAIL
La mésentente entre salariés
Publié le 23/03/2004
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LA MESENTENTE ENTRE SALARIES, CAUSE REELLE ET SERIEUSE DE LICENCIEMENT 

L’entreprise a pour particularité de réunir des personnes qui, le plus souvent, ne se sont pas choisies. Selon le " Bottin Mondain ", cette cohabitation, qui dure quelques 7 ou 8 heures par jour, " pourrait facilement devenir invivable " sans le respect de " règles de savoir-vivre " par lesquelles " la vie en entreprise est heureusement régie ".

Il demeure que tous les salariés n’ont pas la même conception des règles de savoir-vivre et que le comportement de certains d’entre eux, sans nécessairement être fautif, peut, par sa répétition, l’exaspération des subordonnés, collègues, supérieurs ou dirigeants être à l’origine d’une situation qui nuit à l’entreprise de telle manière qu’il devient légitime de s’en séparer.

Certains auteurs considèrent que " de la mésentente, cause de rupture du contrat de travail, on peut rapprocher la mésintelligence, l’incompatibilité de caractères, l’impossibilité de collaboration ".

Les multiples hypothèses de mésintelligence ou de mésentente entre les salariés ou entre un ou plusieurs salariés et les dirigeants de l’entreprise ont donné lieu à un abondant contentieux.

Les conditions dans lesquelles la mésentente peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement

Le blocage de la relation avec un ou plusieurs salariés peut être tel qu’il permet parfois de justifier un licenciement. La Cour de Cassation a précisé, en s’efforçant de concilier les intérêts contradictoires de l’entreprise et des salariés intéressés, les conditions dans lesquelles la mésentente peut constituer une cause de rupture du contrat de travail.

Dans sa décision " GRANDS GARAGES PYRENEENS " du 5 janvier 1984, la Cour de Cassation a énoncé qu’un licenciement pouvait avoir une cause réelle et sérieuse même en l’absence de faute du salarié en présence d’une situation compromettant la bonne marche de l’entreprise, de sorte que les juges du fond ne peuvent substituer leur appréciation à celle de l’employeur sur l’opportunité du maintien d’un chef des ventes dans un contexte de mésentente persistante avec les vendeurs.

En 1985, la haute juridiction a été amenée à préciser, en se référant au pouvoir de direction de l’employeur, qu’en présence d’une " situation conflictuelle existant entre deux salariés ", il relève " du seul pouvoir de l’employeur de choisir lequel d’entre eux doit être congédié ", lorsque " l’état de tension profond et persistant, résultant de leur mésentente (est) susceptible de nuire au fonctionnement du service ".

Ce faisant, la Cour de Cassation fixait une règle de base à l’occasion d’une affaire concernant une hypothèse particulière : celle de l’opposition permanente entre une salariée et son supérieur hiérarchique. La juridiction suprême s’est retranchée, s’agissant de l’origine du conflit, derrière le pouvoir de l’employeur de choisir entre les deux salariés en conflit.

Cette règle a été réaffirmée à la fin de l’année 1985.

La Cour de Cassation ayant, à partir de 1985, abandonné aux juges du fond une large part de l’appréciation du caractère réel et sérieux de la cause de licenciement, la jurisprudence sur la mésentente s’est faite plus rare.

Le 27 novembre 2001, la Cour de Cassation, dans son arrêt " CGEA " réaffirme que la mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel peut constituer une cause de licenciement. Elle précise toutefois, à cette occasion, que tel ne peut être le cas " que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié concerné ".

Bref, la synthèse de la jurisprudence qui vient d’être rappelée conduit à considérer que la mésentente entre un salarié et un autre membre du personnel (salarié de rang inférieur, de même rang, supérieur hiérarchique) " peut constituer une cause de licenciement " lorsque trois conditions sont réunies :

1 - la mésentente est persistante et nuit au bon fonctionnement de l’entreprise ;

2 - elle " repose objectivement sur des faits " (précis) ;

3 - ces faits (précis) sont imputables au salarié que l’employeur décide de licencier.

L’arrêt CGEA, rappelons-le, est intervenu dans des circonstances assez particulières. Un certain nombre de salariés avait fait signer une pétition demandant la démission de leur supérieur hiérarchique, à la suite de quoi l’entreprise a décidé de le licencier comme étant à l’origine d’une mésentente nuisant au bon fonctionnement de l’entreprise.

Or, la Cour d’Appel a considéré qu’il n’était justifié d’aucun fait dans le comportement de ce chef de service propre à justifier le comportement du personnel à son égard. En rappelant les règles susvisées, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi.

L’examen de la jurisprudence permet, d’une part, de fixer les limites de la notion de mésentente en la rapprochant de notions proches ou de situations proches régies par des règles distinctes (1) et, d’autre part, de sérier les solutions retenues selon le rang hiérarchique et les liens (familiaux) unissant les intéressés (2).

LES ORIGINES DE LA MESENTENTE

Hors de l’hypothèse de la mésentente " pure ", à savoir le conflit entre deux collègues dont il est difficile de déterminer lequel d’entre d’eux est à l’origine, il existe un très grand nombre de situations différentes, dans lesquelles la mésentente peut constituer la conséquence d’une attitude fautive du salarié, du supérieur ou de l’employeur ou à des manquements contractuels d’un ou plusieurs salariés.

Ø Mésentente et incompatibilité d’humeur

Si la mésentente est susceptible de constituer une cause (réelle et sérieuse) de licenciement, la simple " incompatibilité d’humeur " entre le salarié intéressé et un autre membre du personnel ne peut constituer un motif légitime de licenciement, sauf à s’accompagner de faits objectifs imputables au salarié intéressé et nuisant au bon fonctionnement de l’entreprise.

C’est, du reste, au sujet d’un licenciement pour " incompatibilité d’humeur " que la Cour de Cassation a récemment rappelé les conditions dans lesquelles un licenciement pouvait être prononcé pour mésentente. La Cour de Cassation a censuré l’arrêt qui lui était soumis car la Cour d’Appel ne s’était pas interrogée sur le point de savoir si la mésentente entre deux salariées, dont l’une était l’épouse de l’employeur, était imputable à la salariée licenciée.

Dans cette affaire, il n’était pas interdit à l’employeur de licencier la salariée en conflit permanent avec son épouse. En revanche, pour prendre une telle décision, il devait apporter la preuve que la mésentente était imputable à cette dernière et non à son épouse.

Ø Mésentente et perte de confiance

Le directeur adjoint d’une société a été licencié par le gérant de celle-ci sur le fondement de " divergences fondamentales sur les relations humaines au sein de l’entreprise " et " d’une incompatibilité supprimant les relations de confiance indispensables ".

Le cadre licencié a saisi la juridiction prud’homale afin d’obtenir des indemnités de rupture. La Cour d’Appel de TOULOUSE a constaté, d’une part, que le climat de discorde reproché au directeur adjoint avait pour origine essentielle l’attitude du gérant " qui n’avait pas su imposer au personnel le respect dû au salarié auquel il avait cependant confié le rôle de coordonner les différents services " et, d’autre part, que l’intéressé avait été licencié après avoir adressé à sa direction une lettre attirant l’attention de celle-ci sur la perturbation de la bonne marche de l’entreprise résultant du fait que le service commercial s’était détaché de son autorité.

Elle a alors décidé que la mesure de licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse.

Par un arrêt du 21 janvier 1987, la Cour de Cassation a considéré qu’un " climat de discorde " était en partie imputable à l’employeur qui avait agi avec précipitation en licenciant un cadre dont les pouvoirs étaient contestés par le personnel.

A lire la lettre de licenciement, l’on s’aperçoit, qu’au-delà de la discorde, invoquée par l’employeur, la mesure s’analysait en un licenciement pour perte de confiance.

Or, la perte de confiance de l’employeur ne peut jamais constituer une cause de licenciement en tant que telle, même quant elle repose sur des éléments objectifs. Seuls ces éléments objectifs peuvent, le cas échéant, constituer une cause de licenciement, mais non la perte de confiance qui a pu en résulter pour l’employeur.

Il y a donc une différente de nature entre la perte de confiance et la mésentente. La mésentente peut constituer une cause de licenciement, on l’a vu, dès que les trois conditions susvisées sont réunies.

Lorsqu’il existe un conflit permanent entre un salarié et ses collègues ou ses subordonnés et que cette situation conduit à une perte de confiance, l’employeur est malvenu à utiliser la notion de perte de confiance dans la lettre de licenciement. Celle de mésentente avec les autres membres du personnel peut être utilisée, sous réserve d’étayer de motif par des éléments précis, dont l’imputabilité au salarié concerné pourra, le cas échéant, être vérifié devant les juridictions prud’homales.

Dans son arrêt du 5 février 2002, la Cour de Cassation considère, au sujet de la motivation de la lettre de licenciement, que celle-ci n’est pas suffisamment motivée, dès lors qu’elle se borne à viser une mésententesans autre précision ". Elle réaffirme donc, de manière implicite, le principe selon lequel ce motif peut constituer une cause de licenciement, alors que, dans la même affaire, le grief de perte de confiance, également mentionné par l’employeur dans la lettre de licenciement, avait été écarté.

Dans une autre décision, la Cour de Cassation a considéré, au visa de l’article L. 122-14-2 du Code du travail, qu’une lettre de licenciement n’était pas correctement motivée en énonçant comme motif de rupture " incompatibilité d’humeur avec votre direction, notamment du fait de votre implication personnelle dans la société allant à l’encontre des objectifs fixés par cette dernière et caractérisant de la sorte une perte de confiance ".

Cette décision constitue une illustration des principes qui viennent d’être rappelés.

Il est bien évident que l’incompatibilité d’humeur ne constitue en aucun cas un élément objectif au sens de la jurisprudence relative à la perte de confiance, mentionnée maladroitement par l’employeur dans la lettre de licenciement.

Ø Mésentente et harcèlement moral

De deux choses l’une.

Soit la mésentente entre deux salariés - généralement entre deux salariés de rang hiérarchique différent - est établie et en ce cas, la mésentente ne peut, au regard de la jurisprudence récente de la Cour de Cassation, constituer une cause de licenciement du salarié " harcelé ".

Soit, le salarié prétendument " harcelé " n’est pas en mesure d’établir des faits laissant présumer un harcèlement au sens de l’article L. 122-49 du Code du travail, de sorte que l’employeur, éclairé par le salarié prétendument coupable de harcèlement, est en mesure, en présence d’éléments objectifs imputables au salarié prétendument harcelé, de licencier celui-ci sur le fondement de la mésentente.

Bref, dans cette hypothèse, plus encore que dans les autres hypothèses, l’employeur est tenu de procéder à des investigations au sein de l’entreprise afin de déterminer les origines de la discorde persistante.

Rappelons, pour mémoire, que la loi FILLON est venue modifier les règles de preuve contenues dans l’article L. 122-52 du Code du travail, de sorte que le salarié concerné doit " établir des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement ", la partie défenderesse étant, quant à elle amenée à " prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement " (article L. 122-52 du Code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2003-6 du 3 janvier 2003)

Ø Mésentente et discrimination

Les hypothèses de mésintelligence entre un salarié et un ou plusieurs membres du personnel de l’entreprise sont parfois liées à une violation réelle ou alléguée du principe d’égalité au sein de l’entreprise.

En pareil cas, comme dans l’hypothèse du prétendu harcèlement, il appartient à l’employeur, dès lors que le salarié n’est pas en conflit direct avec lui, de confronter les positions du salarié et de son supérieur hiérarchique en s’efforçant d’analyser objectivement les faits invoqués par l’une et l’autre partie.

Ici encore, si la violation du principe d’égalité des salariés au sein de l’entreprise est avérée, la notion de mésentente devient inopérante et ne peut constituer, en tant que telle, une cause de licenciement quand bien même serait-elle persistante. La solution consiste, en ce cas, à faire cesser la discrimination invoquée par le salarié.

En revanche, lorsque, après avoir procédé à cet examen, il s’avère que le traitement effectué par le supérieur hiérarchique tient compte des différences de situation entre les salariés et que le salarié intéressé s’obstine à faire preuve d’un esprit négatif, d’une agressivité, de manière persistante, sans fondement, l’employeur peut, dans certains cas, être amené à le licencier en s’appuyant notamment sur l’existence d’une mésentente entre salariés.

Lorsque le salarié se prétend lésé par une mesure discriminatoire en raison de son appartenance à un syndicat ou de l’exercice d’une activité syndicale, il lui appartient d’établir les faits susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement. Dans l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 4 juillet 2000, la Cour de Cassation a statué en faveur du délégué syndical dans une hypothèse d’absence de promotion au sein de l’entreprise dans la mesure où l’employeur n’avait fourni aucun élément de nature à établir que la situation professionnelle du salarié était la seule cause de la disparité de traitement par rapport à ses collègues ayant le même niveau hiérarchique.

L’on comprendra aisément que lorsque le salarié se place sur le terrain de l’égalité de traitement, la notion de mésentente est reléguée au second plan. Elle est alors d’un maniement délicat.

LA MESENTENTE SELON LE RANG HIERARCHIQUE, LES LIENS ENTRE L’EMPLOYEUR ET LES SALARIES INTERESSES

Le régime juridique de la mésentente diffère bien évidemment selon que le conflit persistant oppose deux salariés de même niveau, un salarié et son supérieur hiérarchique, ou un salarié et son employeur.

La nature des relations est, par ailleurs, parfois troublée par l’existence de liens de parenté entre certaines des parties au conflit.

Ø Mésentente entre deux salariés de même rang hiérarchique

La mésentente entre deux collègues du même rang permet, en théorie, à l’employeur de " statuer " en faveur de l’un ou l’autre des salariés, en cas de conflit persistant nuisant à la bonne marche de l’entreprise.

Nous avons vu que cette hypothèse, prévue par la jurisprudence de 1985 n’était pas écartée. En effet, le fait que la Cour de Cassation exige désormais que la mésentente " repose objectivement " sur des faits imputables à l’un des salariés n’implique pas qu’elle lui soit exclusivement imputable.

Mais, il faut le reconnaître, ce licenciement, notamment lorsqu’il n’est pas disciplinaire, constitue un pari relativement risqué pour l’employeur, dans un contexte juridique qui n’est pas d’une netteté absolue.

Quoi qu’il en soit, lorsque la situation est véritablement intenable et que la bonne marche de l’entreprise en pâtit, l’employeur dispose, jusqu’à nouvel ordre, du pouvoir de mettre un terme à ce conflit en procédant au licenciement d’un (ou plusieurs) des salariés " semeurs de troubles ".

Dans une décision en date du 25 avril 2001, la Cour de Cassation a considéré, au sujet d’une salariée, employée en qualité de secrétaire, en conflit permanent avec ses collègues de travail, que, dès lors qu’elle avait fait preuve d’une acrimonie, voire d’une agressivité verbale à l’égard de ses collègues et avait créé ainsi un état de tension dans l’entreprise, la Cour d’Appel avait pu décider que le licenciement procédait d’une cause réelle et sérieuse.

Il s’agit ici d’un exemple de licenciement pour mésentente entre salariés, ne revêtant pas de caractère disciplinaire.

La mésentente entre un salarié et d’autres salariés de même rang hiérarchique ne constitue pas l’hypothèse la plus fréquente.

Les conflits naissent plus souvent de la relation de subordination mal exercée par le supérieur hiérarchique et/ou mal ressentie par les subordonnés.

Ø Mésentente entre un salarié et son supérieur hiérarchique

Le responsable d’un service a généralement pour fonction de stimuler, d’animer et d’organiser ce service afin qu’il fonctionne de la manière plus harmonieuse possible.

Il est amené à user du pouvoir hiérarchique qui lui a été confié par l’employeur pour faire fonctionner son service. Or, il est des hypothèses où l’inimitié existant entre le supérieur hiérarchique et l’un ou plusieurs de ses subordonnés conduit à un conflit latent ou déclaré, plus ou moins persistant.

Il est également des hypothèses où le conflit naît du manque d’autorité du chef de service, qui laisse se développer un mauvais climat sans prendre rapidement les mesures adéquates.

Quoi qu’il en soit, en présence d’un conflit qui nuit réellement au fonctionnement du service concerné, l’employeur peut être amené à prendre des décisions et notamment à licencier l’un des intéressés, lorsqu’il n’y a pas de solution moins définitive, telle une mutation dans un autre service.

Lorsque l’employeur choisit, comme c’est assez souvent le cas, de licencier le subordonné afin de préserver le fonctionnement du service, il doit prendre garde à analyser préalablement le comportement du supérieur hiérarchique, faute de quoi il pourrait priver le licenciement de cause réelle et sérieuse s’il s’avérait, devant la juridiction prud’homale, que l’hostilité du subordonné avait pour origine l’attitude du supérieur hiérarchique.

En revanche, lorsque le climat de discorde est essentiellement imputable au salarié, l’employeur peut envisager de procéder à son licenciement, même en l’absence de faute disciplinaire susceptible de justifier une telle mesure.

Si le licenciement présente un caractère disciplinaire, la notion de mésentente devient inopérante. A titre d’exemple, le non-respect, par l’employeur, en pareil cas, d’une procédure conventionnelle de licenciement disciplinaire prive le licenciement de cause réelle et sérieuse

Ø Mésentente entre un salarié et son employeur

La jurisprudence récente sur la mésentente vise, rappelons-le, la mésentente " entre un salarié et tout ou partie du personnel ". Cette formule semble exclure, a priori, les conflits entre un salarié et son employeur, qu’il s’agisse du chef d’entreprise ou d’un mandataire social.

Or, à mieux y regarder, la jurisprudence n’écarte pas cette hypothèse et prend en considération l’attitude d’opposition permanente d’un salarié dans ses relations avec l’employeur.

Ces hypothèses, qui ont donné lieu à des contentieux plus discrets, et qui opposent le plus souvent des cadres supérieurs aux chefs d’entreprise s’inscrivent toutefois fréquemment dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

Dans une décision UCOVAL en date du 3 avril 1990, la Cour de Cassation a considéré que les juges du fond avaient pu estimer que le licenciement de Monsieur B, cadre dirigeant de l’Union des Caves Coopérative du Limousin (UCOVAL) était justifié par la mésentente avec l’Union, qui était la conséquence de sa gestion.

De sorte que la Cour de Cassation a admis la possibilité du licenciement d’un cadre dirigeant en raison d’une mésentente sans constatation d’une faute professionnelle de nature à justifier, en tant que telle, un licenciement disciplinaire.

Cette jurisprudence a été maintenue par la suite. Dans une décision en date du 27 février 2002, à savoir postérieure à l’arrêt CGEA, la Cour de Cassation a retenu qu’un directeur commercial pouvait être licencié dans une hypothèse de désaccord permanent avec la politique de l’entreprise rejaillissant non seulement sur les rapports du directeur avec la direction générale, mais également sur l’ensemble des relations de travail avec les autres cadres dirigeants.

Ø Mésentente avec le conjoint ou les membres de la famille du dirigeant

Dans certaines entreprises et notamment dans les entreprises de dimension modeste ou moyenne, les relations de travail peuvent être " parasitées " par des liens familiaux ou de parenté conférant un statut particulier à certains salariés.

Il est possible de distinguer deux hypothèses tout à fait différentes :

- d’une part, celle du conflit entre deux salariés dont l’un est parent ou conjoint de l’employeur,

- et, d’autre part, l’hypothèse d’un conflit entre un salarié et le conjoint ou un parent de l’employeur pour des raisons qui peuvent être totalement étrangères au fonctionnement de l’entreprise.

Ce deuxième cas est délicat car les incidents étrangers à l’exécution du contrat de travail ne peuvent en principe être à l’origine d’une décision de licenciement.

Dans le premier cas, en revanche, la mésentente entre le salarié et son collègue ou supérieur ayant un lien d’alliance ou de parenté avec l’employeur est susceptible de constituer une cause de licenciement.

Il appartient cependant à l’employeur, comme dans les autres hypothèses, d’établir que la mésentente entre son époux, son épouse ou son parent et l’un de ses salariés est imputable à ce dernier, sauf à priver son licenciement pour mésentente pour cause réelle et sérieuse.

Bref, la mésentente entre un salarié et le conjoint ou parent de l’employeur peut justifier le licenciement lorsque :

- la mésentente crée un climat de tension permanent avec une incidence sur la marche de l’entreprise,

- et est (entièrement) imputable au salarié n’ayant pas de lien de parenté avec l’employeur.

Une analyse au cas par cas s’avère donc nécessaire

La multiplicité des situations pouvant être rencontrées au sein des entreprises conduisent à exiger une analyse systématique afin de savoir si la mésentente peut ou non être utilisée comme motif d’une mesure de licenciement.

En dehors des hypothèses relativement rares où deux salariés de même rang hiérarchique sont à l’origine d’un grave climat de tension qui nuit au bon fonctionnement de l’entreprise sans qu’il soit possible de déterminer celui qui en est à l’origine ni celui auquel ce climat peut principalement être imputé, la mésentente ne peut donner lieu au licenciement de l’un des salariés intéressés que si les trois conditions jurisprudentielles sont réunies, à savoir :

- une mésentente créant un climat nuisible au fonctionnement de l’entreprise

- principalement imputable à un salarié identifié,

- et " reposant objectivement " sur des faits imputables à ce salarié.

Avec l'aimable autorisation des CAHIERS du DRH (éditions LAMY)

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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