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Le Droit de l'Entreprise

DROIT DE L'INTERNET
La preuve des contrats électroniques (la proposition de loi)
Publié le 01/11/1999
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La vente de produits, la fourniture de services au moyen des interfaces disponibles sur le réseau Internet ne diffèrent que très peu, sur le strict plan juridique, des contrats conclus par correspondance par des moyens plus classiques, à savoir le téléphone, le télex ou la télécopie.

Les remous provoqués par la perspective de la conclusion d'un contrat par la simple pression sur une touche du clavier ou par un clic de souris relèvent peut-être d'une peur irrationnelle, voire d'une angoisse millénariste. Pour beaucoup, la conclusion du contrat dit "électronique" est une aventure périlleuse à laquelle mieux vaut ne pas se risquer ... Pour quelques autres, qui fréquentent habituellement, voire assidûment, l'Internet, l'achat de produits de grande consommation, de logiciels, la réservation d'une chambre d'hôtel ou d'un voyage, la conclusion d'un contrat portant sur des prestations de services sur l'Internet est une chose parfaitement naturelle qui ne présente pas plus de risque que la signature d'un acte dactylographié, l'envoi d'une télécopie ou la confirmation d'un ordre par téléphone.

Toujours est-il que ces questions - qui relèvent autant de la psychologie que du droit - ont provoqué diverses initiatives au niveau des Etats et de la Communauté Européenne. L'enjeu est, bien entendu, de taille : il s'agit de donner les moyens juridiques aux entreprises des communautés européennes de développer le commerce électronique, en dépit d'un retard manifeste par rapport aux entreprises du nouveau continent.

Après avoir constaté qu'il existait une disparité importante entre les législations étatiques et qu'une certaine insécurité juridique demeurait, la Commission a suggéré, dans une proposition de directive, aux Etats-membres de se mobiliser afin de permettre le développement du commerce électronique tout en donnant confiance aux consommateurs.

La Commission a rappelé, que certains obstacles spécifiques étaient de nature à limiter, en l'état actuel du droit et des mentalités, les possibilités de contracter en ligne et notamment la nécessité, dans certaines hypothèses, d'un "support durable" ou, plus délicat encore, d'un "original". Il a été rappelé, à très juste titre, que le même acte de cliquer sur une icône "OK" pouvait avoir une portée juridique différente selon les Etats-membres quant au moment de la conclusion du contrat. Certains États considèrent, en effet, que l'envoi de l'acceptation caractérise la constitution du contrat tandis que d'autres considèrent que le contrat n'est conclu que lorsque l'acceptation du client est reçue par le vendeur ou le prestataire.

Ayant conscience de ce que l'Internet se développe de manière indépendante des instances étatiques et des instances traditionnelles, la Commission a considéré qu'il était nécessaire de prévoir "un cadre léger, évolutif et flexible". Le phénomène Internet, fluctuant et insaisissable, ne peut, en effet, être réglementé comme une activité traditionnelle. Le souci légitime de protéger les consommateurs exige néanmoins que des règles plus claires soient définies afin de trouver un équilibre permettant un développement harmonieux du commerce électronique.

L'article 9 de la proposition de directive dispose : "les États membres veillent à ce que leur législation rende possible les contrats par voie électronique. Les États membres s'assurent, notamment, que le régime juridique applicable au processus contractuel n'empêche pas l'utilisation effective des contrats par voie électronique ni ne conduisent à priver d'effet ou de validité juridique de tels contrats pour le motif qu'ils sont fait par voie électronique". Sont exclus toutefois les contrats solennels qui exigent l'intervention d'un notaire ou un enregistrement auprès d'une autorité publique, ainsi que ceux qui relèvent du droit de la famille et des successions.

Ce texte a été présenté à la fin de l'année 1998 au Parlement des Communautés Européennes. Il est, actuellement, en cours d'examen.

En France, le 3 mars 1999, une proposition de loi a été déposée sur le bureau du Sénat, tendant à mettre en oeuvre une réforme du droit de la preuve. La proposition de loi précise que "les supports" doivent être "fiables et durables". Il demeure que la notion de support, dans un cadre aussi dématérialisé que celui de l'Internet, n'est pas nécessairement la plus adaptée. La question première est surtout celle de la certitude qu'à un jour donné à une heure donnée, l'offre de contracter a effectivement été acceptée au moyen d'un simple clic sur une souris ou par la pression sur une touche du clavier. Dans ce contexte, quel est le support? Que recouvre la notion de "fiabilité" et de "durabilité" ? La pratique de l'Internet révèle que l'impression sur un support papier, qui pourrait être considéré comme durable n'a strictement aucun intérêt, de sorte que les internautes n'y ont que très rarement recours. L'essentiel reste dématérialisé. La solution serait alors de considérer qu'un tiers au contrat puisse certifier l'identité des parties et que le contrat a été conclu à un jour donné à une heure donnée.

La proposition de loi qui devait modifier les dispositions du Code civil relatives à la copie des titres fera long feu. Le 1er septembre 1999, Madame Isabelle GUIGOU, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice a présenté, au nom du premier Ministre, un projet de loi "portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique".

Ce texte est actuellement examiné au Sénat.

Il annonce qu'"à l'heure où les pouvoirs publics encouragent l'usage de l'Internet et cherchent à favoriser le développement du commerce électronique, il importe de créer un cadre juridique clair et sûr, propre à créer la confiance dans les transactions électronique". Le projet de loi se réfère au rapport remis par le Conseil d'Etat en juillet 1998, lequel propose une reconnaissance de la valeur juridique des outils de la transaction électronique.

Le projet de loi propose de modifier les dispositions de l'article 1316 du Code civil afin d'adapter avec de nouvelles technologies les notions de "preuve littérale" et de "preuve par écrit".

Le projet de loi propose d'ajouter des articles 1316-1 et 1322-1 ayant pour objet "l'écrit électronique". L'écrit électronique serait reconnu admissible en tant que mode de preuve au même titre que l'écrit sur support papier "à condition que les moyens techniques utilisés donnent des assurances d'une part, sur la bonne conservation du message et, d'autre part, sur l'identité de celui dont émane cet écrit et auquel on entendrait l'opposer".

Le projet de loi tire les conséquences de la jurisprudence de la Cour de Cassation qui a reconnu la possibilité de conclure des conventions sur la preuve dérogeant aux règles supplétives contenues dans les dispositions des articles 1315 et suivant du Code civil.

Selon ce texte, la preuve littérale ou par écrit résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible "quelque soit leur support et leur modalité de transmission" (ce qui est un progrès par rapport à la proposition de loi initiale) et "l'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégralité".

Le projet précise que la signature nécessaire à la perfection d'un acte sous seing privé identifie celui qui l'appose et manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache.

La conclusion des contrats électroniques pourrait donc être prouvée de deux manières :

- par "l'édition papier des pages qui démontrent l'existence du clic deal", ayant la valeur d'indice, pouvant être librement apprécié par le juge en cas de litige, ou éventuellement, d'un commencement de preuve par écrit, au même titre que les photocopies contestées,

- par la production de l'"acte sous seing privé électronique" revêtu du certificat d'un tiers identificateur.

La signature électronique certifiée par un tiers identificateur - laquelle à, comme chacun sait un coût - serait donc obligatoire lorsqu'il est nécessaire de prouver par écrit la conclusion d'un contrat (à ce jour, acte civil contenant une obligation de payer une somme supérieure à 5.000,00 Francs).

Le projet de loi, en l'état actuel, modifie assez profondément, le droit de la preuve, dans la mesure où la certification par un tiers de confiance équivaudrait à l'apposition d'une signature à l'encre par une personne physique en bas d'un acte sur support papier, alors même que rien ne garantit que le code identificateur ne soit pas utilisé par un tiers ... Pourquoi une réforme législative et de tels efforts pour adapter la loi, alors qu'il serait si simple de décréter, pour l'application de l'article 1341 du Code civil relatif à la preuve testimoniale, qu'il n'est nécessaire de passer un acte sous signatures privées que pour les choses excédant la somme de 10.000,00 Francs ou 20.000,00 Francs (étant précisé que la preuve des contrats entre commerçants est libre dans tous les cas) en abrogeant le décret du 15 juillet 1980, qui a bientôt 20 ans d'existence.

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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