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Le Droit de l'Entreprise

DROIT DU TRAVAIL
L'applicabilité des conventions collectives : des idées reçues à écarter
Publié le 17/11/2004
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Il n'existe pas de règle unique permettant de déterminer l'applicabilité d'une convention collective. En effet, la plupart des conventions collectives déterminent leur propre champ d'application ainsi que les critères d'applicabilité. De plus, contrairement à une idée reçue - pourtant dominante - ni l'extrait KBIS, ni le code "APE" (Code de la NAF), attribués par les services du greffe et l'INSEE après l'immatriculation de l'entreprise, ne sont déterminants à eux seuls lorsqu'il s'agit de déterminer la convention collective applicable.

Aussi, lorsqu'un employeur est amené à mentionner dans le bulletin de paie ou le contrat de travail la convention collective applicable à un salarié, ou lorsqu'un salarié souhaite se prévaloir de ses droits conventionnels, il doit, au préalable, effectuer une recherche qui dépasse la seule référence au code de la nomenclature d'activités française (NAF) de 1993 ( cf. http://www.insee.fr/fr/nom_def_met/nomenclatures/naf1993/pages/naf.htm ).

Contrairement à une autre idée reçue, aussi fausse que la première, l'employeur ne peut choisir la convention collective applicable, par exemple pour écarter des dispositions contraignantes, le salarié ayant toujours la possibilité d'effectuer un choix entre celle choisie par son employeur (mentionnée dans ses bulletins de paie) et la convention collective réellement applicable (par la voie contentieuse, si l'employeur maintient sa position).

1. - Principes jurisprudentiels

1.1. - L'applicabilité de la convention collective est déterminée par l'activité réelle principale de l'entreprise

Seule l’activité réelle d’une entreprise permet de déterminer la convention collective applicable (Cass. Soc., 17 mars 1994, RJS 5/94, n° 580).

Cette activité réelle correspond à l’activité économique, exclusive ou principale, exercée par l’entreprise (Par ex. Cass. Soc., 2 mars 1993, Bull. V, n° 73 ; Soc., 18 mars 1992, Bull. V, n° 196 ; voir également par ex. pour une application récente : Cass., Soc., 30 juin 2004, pourvois n° 03-43.085 à n° 03-43.096, www.legifrance.gouv.fr).

1.2. - L'application "distributive" des conventions et accords collectifs

La même convention collective ne s'applique pas nécessairement à tous les salariés de l'entreprise.

Tout d'abord, le droit du travail est un droit pragmatique, qui ne tient pas compte des structures et des catégories des autres branches du droit et notamment du droit des sociétés, de sorte que chaque entité autonome (qui ne constitue pas nécessairement un "établissement" au sens du droit des sociétés ou du droit fiscal) est susceptible de se voir appliquer une convention collective distincte.

Ensuite, plusieurs conventions collectives peuvent être appliquées à l'intérieur de la même entité. Par exemple, lorsqu'une catégorie particulière de salariés est soumise à un accord interprofessionnel. Tel est le cas notamment des VRP, qui se voient en principe appliquer la convention collective des VRP, quel que soit la convention collective applicable aux autres salariés. La Cour de cassation a, du reste, été amenée à préciser, récemment (Cass. Soc., 10 mars 2004, pourvoi n° 02-40.108, www.legifrance.gouv.fr) que le salarié soumis au statut conventionnel des VRP ne peut demander l'application de la convention collective "de l'entreprise" que si cette convention contient des dispositions propres aux VRP.

1.3. - L'extrait K bis et le code "APE" ne sont que des indices

Cette règle est stricte et exclut que les juges du fond se bornent à prendre en considération, pour déterminer la convention collective applicable :

- l’activité désignée dans l’extrait K bis (APE) émanant des services du Greffe où a été immatriculée la société (Par ex. Soc., 12 novembre 1987, arrêt n° 3863, pourvoi n° 85-42.767),

- ou le numéro de la nomenclature INSEE de 1993 (NAF) (Par ex. Soc., 19 janvier 1984, Bull. V, n° 29 ; Soc., 29 juillet 1995, Bull. V, n° 251 ; Soc., 17 novembre 1994, RJS 1994, n° 580, p. 363).

La doctrine rappelle que ces éléments n’ont d’autre valeur que celle d’indices et qu’il n’en résulte qu’une présomption simple (Par ex., G. COUTURIER, Droit du travail, II/les relations collectives du travail, n° 206, p. 464 ; Y. CHALARON, JCL Travail, Traité, fasc. 19-20, n° 9, p. 5).

Non seulement l'activité mentionnée au Greffe peut ne pas correspondre à l'activité réelle principale de l’entreprise, mais encore et surtout les activités exercées par les entreprises sont de nature à évoluer constamment.

1.4. - L'application volontaire d'une convention collective

Il est constant qu'une entreprise peut - sans pour autant avoir le droit d'écarter, ce faisant, les dispositions plus favorables d'une autre convention collective applicable - se soumettre volontairement à une convention collective.

C'est le cas, en pratique, pour des entreprises dont l'activité principale n'entre dans le champ d'application d'aucune convention collective étendue par arrêté (application obligatoire).

Cependant la soumission volontaire à une convention collective à une particularité : les avenants postérieurs à l'acte de volonté qui révèle l'application volontaire de la convention collective ne sont pas applicables de droit (v. par ex. Cass. Soc., 2 avril 2003, pourvoi n° 00-43.601, www.legifrance.gouv.fr).

2. - Droit conventionnel

2.1. - L'affiliation du groupement patronal et l'adhésion de l'entreprise

Il est une règle, désormais acquise, selon laquelle l’affiliation de l’employeur à une organisation signataire d’une convention collective nationale emporte l’assujettissement de l’entreprise adhérente à ladite convention.

Cette règle, très clairement exprimée par les dispositions de l’article L. 135-1, alinéa 2 du Code du travail est régulièrement rappelée par la Cour de Cassation (Par ex., Soc., 29 août 1996, Bull. V, n° 212 ; Soc., 17 mai 1984, Bull. V, n° 205 ; Soc., 4 janvier 1978, D. 1979, IR, p. 91).

Il s’ensuit que l’entreprise qui adhère à une organisation signataire doit se voir appliquer la convention collective nationale, même non étendue, quand bien même cette adhésion interviendrait postérieurement à la signature de la convention par l’organisation professionnelle (voir par ex., Y. CHALERON, Jurisclasseur travail, traité, fascicule 19-20, n° 3, p. 3).

La seule hypothèse dans laquelle l’adhésion ou l’affiliation ne détermine pas l’assujettissement de l’employeur à une convention collective est celle dans laquelle le groupement patronal a limité l’opposabilité de l’engagement lors de la signature de la convention collective à ceux de ses membres dont il aurait reçu mandat à cet effet (Soc., 29 avril 1985, Bull. V, n° 262).

En ce cas, en effet, les adhérents postérieurs ne sauraient être considérés comme ayant donné mandat à l’organisation de négocier pour leur compte.

2.2. - Exemples conventionnels

- convention collective nationale "SYNTEC"

TITRE Ier : GENERALITES.

Champ professionnel d'application.

[...] 2e alinéa : "Le champ d'application de la convention collective, conformément à la nomenclature des activités économiques instituée par le décret n° 73-1036 du 9 novembre 1973, est le suivant :.."

Dans ce cas particulier, le champ d'application est conforme à la nomenclature de 1973. Ceci ne signifie pas pour autant qu'il suffit de mentionner l'une quelconque des activités visées par ce texte pour se voir appliquer la convention "SYNTEC". Il doit s'agir d'une activité réelle de l'entreprise.

- convention collective nationale des commerces de gros

La Cour de Cassation a décidé de censurer une décision dans laquelle les juges du fond s’étaient abstenus de rechercher si, au regard de l’activité principale de la société, celle-ci entrait dans le champ d’application de la convention collective du commerce de gros, dont se prévalait l’intéressé à l’appui de sa demande en paiement d’une indemnité compensatrice de délai congés (Soc., 11 juin 1987, Bull. V, n° 385).

L’article 1er de la convention collective nationale des commerces de gros du 23 juin 1970 dispose que :

les numéros INSEE et les codes APE sont donnés à titre indicatif. (...) La convention collective s’appliquera en fonction de l’activité principale déterminée selon les règles de la jurisprudence de la Cour de Cassation ",

ce en parfaite conformité avec les règles jurisprudentielles générales qui viennent d'être rappelées.

Lorsqu’un salarié se prévaut de la convention collective nationale du commerce de gros afin d’obtenir le paiement de compléments de salaire ou d’indemnité, le juge ne peut se borner à se référer aux codes APE visés par la convention collective.

3. - Statut collectif des travailleurs et applicabilité "individuelle" des conventions collectives

En ce qui concerne le statut collectif des travailleurs, une distinction doit être opérée.

D’un côté, le statut collectif comprend l’ensemble des règles relatives aux " relations collectives entre employeurs et salariés " (article L 131-1 du code du travail).

La convention collective est l’un des instruments permettant d’instaurer un statut collectif dans une branche professionnelle, sur un territoire donné ou dans une entreprise (article L 132-4 du code du travail).

D’un autre côté, le statut individuel permet l’adaptation des règles applicables à chaque contrat de travail. En effet, le contrat de travail peut déroger aux règles applicables au statut collectif en vigueur dans l’entreprise, à condition d’instaurer un régime de faveur au profit du salarié.

Ce dernier point résulte du principe fondamental du droit du travail suivant lequel toute norme doit être prise en faveur du salarié.

Le principe a été affirmé au sujet des conventions collectives qui peuvent déroger à la loi, si elles édictent des dispositions in favorem (Cons. Constit., décision n° 96-383, 6 novembre 1996 ; Cons. Constit., Décision n° 89-257, 25 juillet 1989).

Bien entendu, le contrat de travail peut encore améliorer le sort du salarié par rapport au droit commun.

C’est pourquoi, si l’employeur doit appliquer la convention collective adéquate dans les relations collectives du travail, le salarié, à défaut de se prévaloir de ladite convention, peut demander l’application d’une autre convention collective dans les relations individuelles, laquelle lui sera appliquée avec l'accord de l'employeur si elle est plus favorable que la convention applicable aux relations collectives.

Il peut s'agir, par exemple, de celle qui est mentionnée sur le bulletin de paie ou encore dans le contrat de travail.

Cette option vaut, en effet, reconnaissance de l’application de cette convention à l'égard du salarié (Soc, 10 décembre 2002 Bull. V n° 372 ; Soc, 18 juillet 2000 Bull. V n° 295).

Le choix du salarié peut s’exercer aussi bien a posteriori, c’est-à-dire lorsqu’un litige est né, qu’a priori, c’est-à-dire lors de la conclusion du contrat de travail.

Bref, quelle que soit la situation, le salarié est en mesure de comparer les mérites respectifs des conventions collectives susceptibles de s'appliquer et décider, avec l’accord de son employeur ou dans le cadre d'une instance prud'homale, de tirer le meilleur parti de la convention collective (susceptible de s'appliquer) qui présente pour lui des avantages supérieurs.

Avec l'aimable autorisation du Village de la justice.

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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