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Le Droit de l'Entreprise

DROIT DU TRAVAIL
L'internet, l'intranet et les syndicats dans l'entreprise
Publié le 18/05/2004
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A ce jour, seules quelques rares entreprises, essentiellement dans le secteur des TIC et dans le secteur public, ont mis en place des " chartes " ou des accords, définissant les conditions d’accès des syndicats à l’intranet.

Mais l’emploi des TIC se généralisant, la consultation du site intranet et de la boite à lettre électronique devient un geste souvent plus " naturel " que la consultation des austères panneaux d’affichages (considérés comme ringards ).

Aussi, la question de l’accès des syndicats à l’intranet se pose-t’elle sérieusement dans toutes les entreprises dans lesquelles une organisation syndicale est représentée et qui disposent d’un réseau informatique propre, c’est à dire dans un très grand nombre d’entreprises.

I. - L’employeur est-t’il tenu de permettre l’accès des syndicats à l’intranet ?

La loi ne dit rien de l’utilisation du réseau interne par les organisations syndicales présentes dans l’entreprise.

La Ministre de l’emploi et de la solidarité (Mme AUBRY), a considéré, avec une certaine prudence, dans une réponse ministérielle du 1er février 1999 , que l’intranet avait " vocation à être un instrument strictement professionnel " et qu’ainsi " aucune disposition ne contraint un employeur à accorder aux organisations syndicales l’accès à ce réseau ".

L’Etat a alors renvoyé à la négociation collective en indiquant qu’il appartenait aux syndicats de " rechercher, par voie d’accord avec l’employeur, les modalités d’accés à la messagerie générale, et de la diffusion de message à caractère syndical sur celle-ci ", s’inspirant probablement de la nécessité de négocier les modalités d’utilisation des panneaux d’affichage

Il n’existe donc aucune obligation légale d’accorder aux syndicats l’accès à l’intranet. Simplement une recommandation gouvernementale de négocier un tel accès.

La dotation en matériel dans les entreprises de plus de 1000 salariés

Dans les entreprises ou établissements " où sont occupés au moins mille salariés, l’employeur ou son représentant légal met à la disposition de chaque section syndicale un local convenable, aménagé et doté du matériel nécessaire à son fonctionnement " , la référence au matériel n’existant pas pour les entreprise de 200 salariés et plus.

Que doit-on entendre par " matériel nécessaire à son fonctionnement " ?

La question n’est réglée ni par la loi, ni par la jurisprudence.

La dotation en matériel est définie dans le cadre des accords d’entreprises concernant l’accès des syndicats à l’intranet (le Code du travail renvoyant à l’accord avec le chef d’entreprise s’agissant de l’utilisation des locaux auxquels la dotation en matériel est attachée )

Dispositions sur la dotation de matériel dans les accords et chartes d’entreprise

Accord France Télécom du 30 juillet 2000

Article 2 : Description et situation géographique du matériel

France Télécom mettra à disposition de l'organisation signataire, dans le local syndical qui lui est affecté par le Secrétaire Général :

-1 micro-ordinateur

-1 imprimante

-1 pack Windows ainsi que le logiciel Front Page.

[…]

Durant cette phase expérimentale, la capacité de chaque site syndical sera limitée à un maximum de 10 méga octets. "

Charte Renault du 21 décembre 2000

Article 3. Organisation matérielle

Renault met à disposition de l’organisation syndicale, dans le cadre des articles 1.2.4 et 1.4.1 de l’accord du 23 juin 2000, dans le local syndical (un local en central et un local par établissement) qui lui est affecté :

- un micro ordinateur multimédia aux normes de l’entreprise,

- une imprimante,

- un scanner,

- un pack office bureautique, un système d’exploitation graphique et un logiciel de publication de site.

[…]

La capacité de chaque site syndical est de 30 méga-octets au niveau central et de 15 méga-octets au niveau local. "

Accord TECHNIP du 5 octobre 2000

1.2.1.1 Etablissement de Paris la Défense

[…]

(Les locaux syndicaux) comportent une installation téléphonique, une ou des armoires fermant à clé, un micro-ordinateur avec pack logiciels standard utilisés dans l'entreprise et accès à Internet, un lecteur de C.D., une imprimante et un scanner. L'utilisation de ces moyens à usage strictement syndical est faite sous l'entière responsabilité des organisations syndicales… "

Accord FEDEX du 21 février 2001 (Source : Liaisons Sociales, 23 mars 2001)

Article 2.3.1. Fonctionnement

[…]

Les locaux mis à la disposition des organisations syndicales comportent le mobilier nécessaire à leur utilisation : table, chaises, armoires fermant à clé, téléphone-fax-répondeur et un PC. Il sera étudié la possibilité d’implanter un photocopieur lors de la nouvelle implantation des locaux, au Hub.

La première mission de la commission de suivi sera d’étudier les modalités de mise en place d’une connexion Internet et de création de sites syndicaux… "

 

Les quelques chartes ou accords publiés évoquent de manière assez peu précise les questions de la connexion au réseau. L’accès au réseau est implicite dans les accords les plus anciens. Aucun accord ne mentionne la présence d’un modem et encore moins son type, alors qu’il s’agit de la pièce maîtresse qui détermine, avec d’autres éléments matériels et logiciels du micro ordinateur, la vitesse et la qualité de la connexion.

Il est judicieux de préciser notamment les caractéristiques du micro ordinateur et du modem mis à disposition et le débit que cet équipement permet et d’indiquer, par exemple, que l’équipement doit être " aux normes de l’entreprise " (Charte Renault du 21 décembre 2000).

Ces précisions, tout à fait déterminantes lorsqu’il s’agit de mettre le site à jour par téléchargement ascendant de fichiers (upload) ou (si c’est autorisé) de télécharger des fichiers d’un site internet vers le micro ordinateur du syndicat (download), sont plus importantes, à notre avis, que le modèle du logiciel d’édition ou de publication de site, que les partenaires sociaux ont parfois souhaité définir. Un équipement obsolète risquerait de mettre obstacle, en pratique, à l’exercice des droits conférés par la charte ou l’accord en augmentant considérablement la consommation des heures de délégation…

Néanmoins, il est difficile de considérer, à la lecture de la loi et des chartes et accords, qu’il existerait un usage selon lequel l’ordinateur multimédia avec logiciels de navigation et de messagerie, modem, connecté au réseau, aux normes de l’entreprise serait un " matériel nécessaire au fonctionnement du local syndical ".

Avant que l’intranet syndical ne se banalise, les organisations syndicales présentes dans les grandes entreprises ne peuvent donc, à notre avis, s’appuyer sur l’obligation de mettre du matériel à leur disposition pour exiger que celui-ci soit (correctement) relié au réseau.

La connexion au réseau, pour puiser des informations sur le site intranet de l’entreprise, voire dans le réseau internet, est une chose. La possibilité de créer et de faire héberger un site intranet syndical, de le maintenir, le mettre à jour régulièrement et d’adresser des messages à caractère syndical aux salariés en est une autre.

II. - L’employeur a-t’il intérêt à s’opposer à la création d’un intranet syndical ?

L'employeur pourrait avoir intérêt, à première vue, à laisser aux syndicats le tableau en liège et les punaises tout en mettant en valeur, parallèlement, la politique de l’entreprise et ses résultats au moyen d’un site intranet attrayant, convivial et, le cas échéant, interactif.

Mais ce serait oublier la possibilité, pour les syndicats, d’utiliser un moyen contre lequel il est difficile de lutter : la création, à l’extérieur de l’entreprise, d’un site internet, dédié aux revendications syndicales dans l’entreprise.

Le jugement Havas Editions Electroniques du 17 novembre 1997

Par un jugement Havas Editions Electroniques en date du 17 novembre 1997 , le Tribunal de Grande Instance de Paris a décidé que " la création d’un site externe à l’entreprise sur l’internet librement accessible aux salariés de l’entreprise et la diffusion sur un tel site de messages concernant l’expression de revendications syndicales, ne peuvent être considérées comme étant illicites, de telles pratiques n’apparaissant pas porter un trouble à l’exécution normale du travail ou à la marche de l’entreprise ".

La règle énoncée dans cette décision, fréquemment citée, doit toutefois être nuancée :

  1. Il s’agit d’une décision d’espèce rendue par une juridiction de premier degré.
  2. Il n’est pas acquis que la création d’un site internet s’inscrive dans le cadre de l’exercice du droit à l’expression directe et collective des salariés reconnu par l’article L. 461-1 du Code du travail, qui s’exerce, rappelons-le " dans les entreprises et établissements " et non à l’extérieur de ceux-ci, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation.
  3. S’agissant d’une publication accessible à tous et non seulement aux salariés concernés, la liberté d’expression se trouve limitée (uniquement) par les dispositions de la loi sur la presse du 29 juillet 1881, interdisant notamment la publication d’écrits diffamatoires.

 

En interdisant aux syndicats l’accès à l’intranet, l’employeur peut les inciter malgré lui à exposer sur la (cyber)place publique des difficultés au sein de l’entreprise ou des revendications syndicales.

Tant qu’à faire, autant négocier avec les organisations syndicales un accès à l’intranet, en encadrant précisément les modalités de l’information syndicale des salariés et l’exercice du droit d’expression, plutôt que de chercher des réponses aux multiples questions embarassantes d’un journaliste sur le site internet dont le contenu a été porté à sa connaissance…

Ceci étant dit, l’un n’exclut pas l’autre et les sections syndicales ou délégués syndicaux peuvent envisager la création d’un site internet en sus d’un site intranet.

 

L’affaire TECHNIP

De l’intranet à l’internet, il n’y a qu’un clic. D’où l’idée de l’UGICT CGT TECHNIP et de la CFDT d’insérer dans leur site intranet de nombreux liens hypertextes vers des sites internet…

Cinq mois et demi après la signature de l’accord relatif à l’exercice du droit syndical, soit le 23 février 2001, le site intranet de l’UGICT CGT – non signataire mais bénéficiaire des dispositions de l’accord - a été mis en ligne, avec un assez grand nombre (à l’inverse de ce qui se passe lors des manifestations, le syndicat en revendique 30, tandis que la direction en invoque 150…) de liens hypertextes vers des sites externes au réseau de l’entreprise (sites internet). Ces liens sont destinés, selon l’organisation syndicale, de " donner le moyen aux salariés en partance vers l’étranger, de l’Angola au Venezuela, de consulter en temps réel les fiches pays du Ministère des Affaires Etrangères… "

Le 27 février 2001, la direction de l’entreprise, a demandé à l’UGICT CGT de retirer les liens hypertextes de son site intranet, en insistant sur le fait que le lien " via Internet " (plus précisément, via le site internet de la section syndicale dont l’existence et le contenu avaient déjà été relayés par les médias électroniques en novembre 2000 ) vers des sites extérieurs " n’était pas autorisé ", en rappelant que l’accord permettait simplement un " affichage syndical " (virtuel)…

La direction de l’entreprise faisait valoir que le site devait être considéré comme " un affichage intranet qui remplace l’affichage traditionnel " et qu’au surplus les moyens mis à disposition devait être réservés à un " usage interne ", sans faire état des effets pervers que peut avoir l’incitation à aller naviguer sur le world wide web au cours de la journée de travail ni le contenu des informations contenues dans les sites externes.

Tandis que la CFDT – signataire de l’accord – a obtempéré, l’UGICT CGT n’a pas déféré pas à cette demande, en alléguant le fait que " la direction avait toujours refusé de communiquer ces informations (sur les pays de destination) aux salariés " et que l’employeur ne disposait pas du droit de contrôler le contenu de l’affichage syndical.

Le 8 mars 2001, la société TECHNIP a procédé elle-même au retrait des liens sur le site intranet de l’UGICT CGT.

Elle a, ce faisant, provoqué une médiatisation de l’affaire par l’internet et les médias , dont elle se serait probablement bien passé et qui remettait en cause son souci d’apparaître comme une entreprise socialement innovante.

 

Les difficultés pratiques de mise en oeuvre de l’intranet syndical posent un bon nombre de questions juridiques non encore résolues, dont la réponse dépend notamment :

  • de la nature juridique du site intranet, encore mal définie,
  • de la nature juridique de l’intranet syndical (affichage soumis au même régime que l’affichage sur panneau ? On peut en douter, cf infra),
  • du droit, reconnu à l’employeur, de contrôler les flux de données entrant sur et sortant de son réseau intranet (notamment pour sauvegarder la sécurité du système et la confidentialité des informations internes de l’entreprise),
  • du droit de soumettre le maintien en ligne de l’intranet syndical à des conditions précises (V. par ex. accord Renault),
  • le cas échéant, du régime juridique des liens hypertexte,
  • le cas échéant, des limites légales, conventionnelles et contractuelles au surf au bureau.

L’" entrave au fonctionnement " d’un système ainsi que la " suppression ou (la) modification de données ", ne donne pas nécessairement lieu à des sanctions pénales, sur le fondement de la loi GODFRAIN (articles L.323-1, L. 323-2 et L. 323-3 du Code pénal), car l’employeur intervient sur son propre serveur. Mais la question n'est pas encore tranchée.

Une intervention sur les pages du site intranet syndical, non expressément prévue et délimitée dans le cadre d'un accord, pourrait néanmoins donner lieu à des poursuites pour entrave, dès lors que l’affichage syndical (si l’on considère qu’il s’agit de cela, ce qui n'est pas acquis...) " s’effectue librement " , de sorte que " le contenu de ces affiches […] est librement déterminé par l’organisation syndicale, sous réserve de l’application des dispositions relatives à la presse " .

III. - Les sites intranet des sections syndicales : beaucoup de bruit…pour pas grand chose

Selon la section syndicale CFDT TECHNIP, au sujet de l’internet syndical d’affichage virtuel " c’est une voie supplémentaire pour les salariés, mais qui reste assez passive ". Il ne s’agit donc, à l’heure actuelle, ni d’une panacée, ni d’une technique permettant d’instaurer une participation des salariés (syndiqués ou non) à la vie syndicale de l’entreprise.

L’affaire TECHNIP révèle en outre que ce type d’affichage permet des contrôles et des interventions peu compatibles avec les droits et libertés dont disposent les syndicats dans l'entreprise.

Le site intranet " d’affichage syndical " est-il un panneau d’affichage au sens de la loi ?

Selon les dispositions de l’article L. 412-8, alinéa 1er du Code du travail, " l’affichage des communications syndicales s’effectue librement sur des panneaux réservés à cet usage… ".

A ce jour, faute de jurisprudence en ce sens – ou de modification de l’article L. 412-8 du Code du travail-, un espace virtuel mis à disposition sur l’intranet de l’entreprise ne peut être considéré comme un panneau d’affichage au sens de la loi.

A cet égard, certains accords, qui prévoient la substitution pure et simple du "panneau d'affichage virtuel" au panneau en bois peuvent être considérés comme contraires à l’article L. 412-8 du Code du travail.

En outre, l’assimilation du site intranet à un panneau d’affichage peut avoir des effets pervers, tant pour l’employeur que pour les syndicats, compte tenu de la protection légale des panneaux (quid de l’intervention de l’employeur sur son serveur ayant pour objet ou pour effet de limiter ou d’interdire l’accès, dans certains cas, au site intranet syndical, ou d'en limiter l'exploitation ?) et de la différence profonde de nature entre le panneau physique et l’affichage de pages intranet sur le micro ordinateur du salarié (moindre confidentialité notamment).

 

L’assimilation conventionnelle des intranets syndicaux aux panneaux d’affichage

 

Accord France Télécom du 30 juillet 2000 : l’assimilation sans substitution

Article 4: Accès à l'Intranet France Télécom

[…] Le panneau d'affichage national de l'organisation syndicale sera référencé dans la liste des sites Intranoo sous la dénomination " Espace Syndicats " avec les panneaux des autres organisations hébergées. Au sein du site, il sera identifié par le signe du syndicat.

Article 5 : Responsabilité du contenu

[…] Les communications syndicales affichées sur le panneau d'affichage électronique respecteront les textes légaux en vigueur ainsi que la charte déontologique d'utilisation de l'Intranet du groupe. Il est notamment fait référence au décret 82/447 du 28/05/1982, aux dispositions relatives à la presse mentionnées dans la loi du 29/07/1881 ainsi qu'à l'article L 412/8 du code du travail. "

Accord TECHNIP du 5 octobre 2000 : substitution pure et simple

1.3.1 Intranet

[…] Ce nouveau moyen de communication se substitue aux panneaux d'affichage dans les étages des immeubles… ".

Accord RENAULT du 21 décembre 2000 (IRP) : assimilation sans substitution

Article 1er principes

[…] l’organisation syndicale représentative au niveau de l’entreprise dispose de sites d’affichage électronique sur l’intranet RENAULT sur l’intranet des établissements qui en sont pourvus… "

Charte ALSTOM du 14 mai 2001 sur la représentation du personnel au sein de la compagnie ALSTOM : assimilation sans substitution (source Liaisons Sociales, 19 juin 2001, n° 165, cahier joint au n° 13423)

Les syndicats pourront utiliser des bases de données " comme panneau d’affichage "…

 

L’intranet syndical d’affichage : une modalité d’information complémentaire utile pour les salariés travaillant hors de l’entreprise

L’intranet syndical se trouve encore, nous le voyons, dans une phase d’expérimentation.

Aussi les chartes et accords régissant l’accès des sections syndicales et/ou délégués syndicaux au réseau intranet sont-elles encore relativement timides, excluant le plus souvent l’interactivité.

L’interactivité (participation aux forums, " chats ", listes de diffusion etc…) est, en effet, source de difficultés diverses, tant en ce qui concerne le temps passé par les salariés à des activités extraprofessionnelles (la participation active et le caractère ludique de cette participation modifiant la perception du temps), que sur le plan de la sécurité du réseau et des systèmes (en raison de la technologie nécessaire à la mise en œuvre de l’interactivité, généralement moins sûre que la navigation sur un site comportant des pages au format HTML).

Il s’agit, ni plus, ni moins, que d’une modalité supplémentaire et facultative qui offre un avantage évident : celui de permettre aux salariés distants (salariés détachés, mis à disposition, en mission et télétravailleurs) de prendre connaissance des informations syndicales auxquelles ils n’auraient pas accès sans ce dispositif.

IV. - L’usage, par les syndicats, de la messagerie électronique (le " push "), la force de frappe ?

Dès lors que les entreprises ont de bonnes raisons, liées notamment à la sécurité informatique et au temps de travail des salariés, de s’opposer, à l’heure actuelle, à l’interactivité des sites intranet syndicaux, le débat se déplace actuellement pour mettre l’accent non plus sur la mise en place d’un site intranet, mais sur l’utilisation de la messagerie interne ou l’envoi, via l’internet, de messages syndicaux à des destinataires localisés dans l’entreprise.

La messagerie électronique, par sa facilité d’utilisation, sa rapidité et sa puissance (une publication peut être adressée à 1000 personnes en une fraction de seconde, par un simple clic de souris) semble désormais beaucoup plus tendance que le site intranet syndical, réservé aux (très) grandes entreprises dans lesquelles une armée de délégués syndicaux a un crédit d'heures de délégation suffisant pour découvrir les affres de la création d’un site et de sa mise à jour, ainsi que les déceptions lors de la consultation des statistiques de connexion.

En fait, pourraient se dire quelques uns après une telle expérience, rien ne vaut la photocopieuse et les punaises.

La CFE-CGC et la CFDT (notamment CFDT-cadres) ont profité du débat autour de la cybersurveillance des salariés pour (re)poser la question de l’utilisation de la messagerie interne de l’entreprise, revendiquant le droit d’exploiter les technologies de l’information et de la communication (qui, depuis le temps qu’on les utilise, ne sont plus nouvelles) pour " entretenir le dialogue avec les salariés " .

Cette revendication n’est toutefois pas nouvelle, car déjà la Fédération Internationale des Employés et Techniciens - FIET (devenue Union Network International – UNI) réclamait, dès 1998, le droit pour les salariés, les syndicats et les comités d’entreprise d’accéder librement à la messagerie électronique de l’entreprise

Les messages électroniques sont-ils des tracts au sens de la loi ?

Selon les dispositions de l’article L. 412-8, alinéa 5 du Code du travail, " les publications et tracts de nature syndicale peuvent être librement diffusés aux travailleurs de l’entreprise dans l’enceinte de celle-ci aux heures d’entrée et de sortie du travail ".

Dans une décision du 25 mai 1982, la Cour de cassation a décidé que les tracts ne pouvaient être distribués par voie postale. Mais la Cour de cassation a décidé, plus récemment, au sujet de lettres adressées aux salariés sous enveloppe les invitant à une réunion syndicale, qu’il s’agissait de tracts syndicaux et qu’ainsi elles ne pouvaient être diffusées qu’aux heures d’entrée et de sortie du travail .

Doit-on les assimiler à des " tracts sous enveloppe " ? Doit-on considérer qu’il ne peut s’agir de tracts (au sens de la loi) car leur lecture par des salariés en poste serait " de nature à porter un trouble injustifié à l’exécution normale du travail " . La question de la nature juridique des messages électroniques syndicaux reste posée.

Quand les messages syndicaux peuvent-ils être émis et lus ?

De deux choses l’une :

Si l’on considère qu’il s’agit de tracts au sens du Code du travail, leur diffusion (s’agit-il de leur émission ou du moment de la prise de connaissance par les salariés ?) ne pourrait se faire qu’aux " heures d’entrée et de sortie du travail ", ce qui conduirait à admettre l’utilisation extraprofessionnelle du poste de travail avant et après le temps de travail.

Cette question, très délicate, devient inextricable en cas d’individualisation des horaires (doit-on installer une " pointeuse virtuelle " dans le micro ordinateur de chaque salarié ?). Par ailleurs, elle pose le problème du régime juridique de l’accident intervenu pendant cette période, pendant laquelle le salarié n’est plus, par hypothèse, à la disposition de l’employeur.

Si l’on considère qu’il ne s’agit pas de tracts, il appartient alors aux partenaires sociaux de définir, de manière conventionnelle, les modalités de leur distribution en permettant, le cas échéant, leur lecture sur le lieu et au temps de travail ou pendant les pauses (sauf pendant les pauses liées à l’utilisation des écrans d’ordinateur…), ces messages s’ajoutant alors à la distribution des tracts à l’entrée et à la sortie des établissements.

Le contrôle des flux de données échangées et de la bande passante

L’employeur dispose non seulement du pouvoir, mais également du devoir de mettre tout en œuvre pour garantir l’intégrité et la disponibilité de son système informatique et de son réseau, ainsi que l'intégrité, la disponibilité et la confidentialité des données auxquelles il est possible d’accéder, en évitant notamment la propagation des virus, chevaux de Troie, intrusions et interception de données, notamment lorsqu'elles sont nominatives.

Il doit donc mettre en place un système de contrôle des flux de données et de l’utilisation de la bande passante.

Le contrôle des flux de données et de la bande passante peut être effectuée de deux manières :

- un filtrage au moyen d'un logiciel de "cybersurveillance", dont les fonctionnalités doivent être portées à la connaissance des organisations syndicales et des salariés,

- une définition de l'usage de l'intranet par les salariés et les organisations syndicales dans le cadre d'une charte ou d'un accord.

 

La messagerie interne dans les chartes et accords

 

Charte VIVENDI relative à l’utilisation de la messagerie interne par les partenaires sociaux du comité de groupe et l’instance de dialogue européen ( accord " expérimental " d’une durée d’un an)

" Article 1 : Principes de la messagerie interne aux partenaires sociaux

L’accès de la messagerie interne aux représentants du personnel et aux organisations syndicales (les partenaires sociaux) du Comité de Groupe de l’IDSE est désormais autorisé, sous réserve du respect des règles de bonne conduite établies dans ce présent accord.

[…]Article 2 : Règles de bonne conduite

2.1. Les partenaires sociaux sont habilités à diffuser des informations par le biais de la messagerie à tout ou partie des salariés couverts par le périmètre de leur mandat.

[…] 2.5. La fréquence d’utilisation de la messagerie interne par les partenaires sociaux devra rester raisonnable".

 

ACCORD "ESPACES SYNDICATS"SUR LA MISE EN PLACE D'UN PANNEAU D'AFFICHAGE SYNDICAL SUR L'INTRANET DE FRANCE TELECOM (30 juillet 2000)

..." Article 6 : Utilisation du réseau"...

..."Ne sont pas autorisées les pratiques suivantes :

... - la diffusion de tracts par messagerie..."

"Article 7 : Messagerie

Un lien avec la boite de messagerie e.mail de l'organisation concernée sera mise en place. Chaque salarié consultant le site aura ainsi la possibilité de laisser un message à l'attention de l'organisation syndicale hébergée sur le site. La réponse ne pourra être qu'individuelle.

Le principe de " chaîne " est interdit et sera sanctionné selon les règles mentionnées à l'article 6."

 

Accord TECHNIP du 5 octobre 2000

..." 1.3.1 Intranet"

..." Le site ne peut servir de support à des forums de discussions ni être utilisé pour délivrer des messages individualisés aux salariés sur leurs postes de travail."...

..."2.2 Intranet (comités d'établissements)"...

..." Le site ne peut servir de support à des forums de discussions ni être utilisé pour délivrer des messages individualisés aux salariés sur leurs postes de travail."...

 

Charte RENAULT du 21 décembre 2000

..."Article 6. Messagerie

Chaque organisation syndicale bénéficiera d'une adresse e.mail Renault lui permettant de communiquer, tant en interne qu'en externe.

Chaque salarié peut s'adresser à l'organisation syndicale de son choix à partir de son outil informatique de travail.

Article 7. Diffusion en chaîne

Le principe de la "chaîne", c'est à dire la diffusion collective démultipliée par le biais du receveur d'information, est interdite et sanctionnée..."

 

Charte ALSTOM du 14 mai 2001 sur la représentation du personnel au sein de la compagnie ALSTOM (source Liaisons Sociales, 19 juin 2001, n° 165, cahier joint au n° 13423)

..."III.2.- Les moyens de communication

L'accès aux systèmes d'information intranet - messagerie, base de données partagées et site web interne - se fera conformément aux accords locaux qui préciseront les modalités d'application et les cas de suppression dans le cadre défini ci-après : "

..."- l'utilisation de la messagerie dans le cadre des mandats représentatifs est pratiquée à partir des postes informatiques des organisations syndicales. Elle sert aux actes de la gestion courante du mandat. Elle ne pourra pas être utilisée pour envoyer des messages individuels ou collectifs aux salariés ou servir de forum de discussion;".

 

Après avoir simplement fait référence au caractère "raisonnable" des envois (charte VIVENDI), les chartes et accords évoluent, semble-t'il, vers des contraintes assez rigoureuses : prohibant, de manière générale, les "chaînes" (ou listes de discussion), jusqu'aux messages individuels aux salariés (accords TECHNIP et ALSTOM). La Charte RENAULT permet, quant à elle, un tel usage de la messagerie interne, à l'exception de la "diffusion collective démultipliée".

Au-delà de la mise en place de la surveillance du réseau interne à l'entreprise ("cybersurveillance"), qui n'est pas propre à l'intranet syndical, la vraie question, souvent occultée, qui se pose est celle de la méthode pour établir le document qui définira l'usage de l'intranet et, par voie de conséquence, sa nature juridique et sa portée.

Désormais, les organisations syndicales insistent plus sur la méthode que sur le contenu de la "charte". Elles font valoir qu'il convient de concevoir les acteurs (organisations syndicales, salariés et employeur) comme des acteurs responsables.

Elles insistent encore sur le fait que "si la charte ne fait que fixer des interdits, elle est vouée à l'échec", rappelant l'intérêt de la négociation en vue de définir les droits et obligations des partenaires sociaux . Peut-être est-il possible de mettre en place, au moyen d'une charte portée préalablement à la connaissance des intéressés et modifiée le cas échéant, une solution provisoire (d'une durée d'un an par exemple) et de négocier un accord à l'issue de cette période d'expérimentation, après que les partenaires sociaux aient clairement défini leurs besoins ainsi que les situations particulières qui naissent de l'usage de l'intranet.

Avec l'aimable autorisation des CAHIERS du DRH (éditions LAMY)

MISE A JOUR de l'article :

Loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social

(...)

TITRE II - DU DIALOGUE SOCIAL

(...)

Article 49

L'article L. 135-7 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 135-7. - I. - Les conditions d'information des salariés et des représentants du personnel sur le droit conventionnel applicable dans l'entreprise et l'établissement sont définies par convention de branche ou accord professionnel. En l'absence de convention ou d'accord, les modalités définies au II s'appliquent.

« II. - Au moment de l'embauche, le salarié reçoit de l'employeur une notice d'information relative aux textes conventionnels applicables dans l'entreprise ou l'établissement.

« L'employeur lié par une convention ou un accord collectif de travail doit fournir un exemplaire de ce texte au comité d'entreprise et, le cas échéant, aux comités d'établissement ainsi qu'aux délégués du personnel et aux délégués syndicaux ou aux salariés mandatés dans les conditions prévues au III de l'article L. 132-26.

« En outre, l'employeur tient un exemplaire à jour de cette convention ou accord collectif à la disposition du personnel sur le lieu de travail. Un avis est affiché à ce sujet.

« Dans les entreprises dotées d'un intranet, l'employeur met sur celui-ci à disposition des salariés un exemplaire à jour de la convention ou de l'accord collectif de travail par lequel il est lié. »

(...)

Article 52

L'article L. 412-8 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un accord d'entreprise peut autoriser la mise à disposition des publications et tracts de nature syndicale, soit sur un site syndical mis en place sur l'intranet de l'entreprise, soit par diffusion sur la messagerie électronique de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette diffusion doit être compatible avec les exigences de bon fonctionnement du réseau informatique de l'entreprise et ne pas entraver l'accomplissement du travail. L'accord d'entreprise définit les modalités de cette mise à disposition ou de ce mode de diffusion, en précisant notamment les conditions d'accès des organisations syndicales et les règles techniques visant à préserver la liberté de choix des salariés d'accepter ou de refuser un message. »

Accord sur l'utilisation du système informatique de l'entreprise par les institutions représentatives du personnel

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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