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Le Droit de l'Entreprise

DROIT DE L'INTERNET
La prospection par messagerie électronique : le projet de LCEN au 24 décembre 2003
Publié le 24/12/2003
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L'article 12 du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) contient les dispositions relatives à la prospection électronique, lesquelles sont destinées à transposer notamment :

- la directive européenne n° 2000/31 du 8 juin 2000 dite "commerce électronique",

- ainsi que la directive n° 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 dite "vie privée et communications électroniques".

L'article 7 de la directive européenne dite "commerce électronique", relatif aux ""communications commerciales non sollicitées" dispose, rappelons-le :

"1. Outre les autres exigences prévues par le droit communautaire, les États membres qui autorisent les communications commerciales non sollicitées par courrier électronique veillent à ce que ces communications commerciales effectuées par un prestataire établi sur leur territoire puissent être identifiées de manière claire et non équivoque dès leur réception par le destinataire.

2. Sans préjudice de la directive 97/7/CE et de la directive 97/66/CE, les États membres prennent des mesures visant à garantir que les prestataires qui envoient par courrier électronique des communications commerciales non sollicitées consultent régulièrement les registres "opt-out" dans lesquels les personnes physiques qui ne souhaitent pas recevoir ce type de communications peuvent s'inscrire, et respectent le souhait de ces dernières.",

tandis que l'article 13.1 de la directive "vie privée et communications électroniques" interdit le "spamming" publicitaire, de la manière suivante : "l'utilisation de systèmes automatisés d'appel sans intervention humaine (automates d'appel), de télécopieurs, de courrier électronique à des fins de prospection directe ne peut être autorisée que si elle vise des abonnés ayant donné leur consentement préalable " ("opt-in").

Cependant l'alinéa 2 contient une dérogation : la prospection est permise, par la personne, physique ou morale, qui a recueilli les données (adresse e-mail, nom, ...) lorsque celles-ci ont été obtenues auprès de clients dans le cadre de la vente d'un produit ou de la fourniture d'un service, mais seulement à des fins de prospection directe pour des produits ou services analogues par cette même personne. Dans cette hypothèse, le client/prospect doit être clairement et expressément informé, à chaque message électronique, de la faculté de s'opposer à cette exploitation ("opt-out").

Par ailleurs, aux termes de l'article 10 de la directive n° 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 septembre 2002, l'utilisation par un fournisseur des techniques de communication à distance (notamment automate d'appel et télécopieur) en matière de services financiers à distance nécessite le consentement préalable du consommateur, sans distinction.

Cette réglementation européenne a pour conséquence l'interdiction de tout courriel non sollicité émanant d'une personne avec laquelle le prospect n'a jamais eu aucune relation d'affaires,

La directive dite "vie privée et communications électroniques" laisse toutefois aux Etats membres le choix du régime pour la prospection des personnes morales.

En France, au mois de février 2003 l'Assemblée Nationale, en première lecture, a choisi de ne pas distinguer les personnes morales des personnes physiques. Le double régime du consentement préalable ("opt-in") et du droit d'opposition ("opt-out") devait donc s'appliquer à tout prospect, sans distinction.

Après examen du texte par le Sénat, la position du Parlement français était la suivante :

S'agissant des personnes morales, il était nécessaire de distinguer selon que la prospection est effectuée au moyen d'automates d'appel et de télécopieurs ou au moyen de courriers électroniques (courriels ou SMS).

Pour les "mailings" par automate d'appel ou par télécopie, la prospection directe d'une personne morale nécessitait son consentement préalable dans tous les cas.

Pour les courriers électroniques, le projet de loi tel qu'adopté par le Sénat distinguait selon que la personne morale était ou non inscrite ou non au registre de commerce et des sociétés. Si la personne morale n'était pas inscrite au registre de commerce et des sociétés (par exemple association régie par la loi de 1901 ou membre d'une profession libérale), la prospection directe était interdite en l'absence de consentement préalable de la personne morale. Si la personne morale était inscrite au registre de commerce et des sociétés (sociétés commerciales ou civiles), la prospection directe était autorisée, sous réserve de réunir quatre conditions cumulatives :

- les coordonnées du destinataire ont été recueillies directement auprès de lui, dans le respect des dispositions de la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 dite "Informatique et Libertés" (1),

- à l'occasion de la vente d'un produit ou de la fourniture d'un service (2),

- la prospection directe concerne des produits ou services fournis par la même personne physique ou morale que celle ayant fourni initialement des produits ou services au destinataire (3),

- le destinataire se voit offrir, de manière expresse et dénuée d'ambiguïté, la possibilité de s'opposer, sans frais, hormis ceux liés à la transmission du refus, et de manière simple, à l'utilisation de ses coordonnées lorsque celles ci sont recueillies et chaque fois qu'un courrier électronique de prospection lui est adressé ("opt-out") (4).

Le Sénat a réussi le difficile exercice de se conformer à la directive dite "vie privée et communications électroniques" tout en ne négligeant pas les souhaits exprimés par les professionnels et notamment les professionnels du marketing direct.

Le prospecteur était tenu, bien entendu, de se conformer aux dispositions de la loi n° 78 17 du 6 janvier 1978 dite "Informatique et Libertés", en permettant au destinataire de se désinscrire facilement.

Il était, enfin, interdit de dissimuler l'identité de la personne pour le compte de laquelle la communication est émise, et de mentionner un objet de message sans rapport avec la prestation ou le service proposé.

Le projet de LCEN a été notablement modifié, le 10 décembre 2003, par l'Assemblée Nationale.

Tenant compte des souhaits exprimés par les professionnels du marketing direct, l'Assemblée nationale a exclu de la double protection ("opt-in" et "opt-out") l'ensemble des personnes morales, sans retenir le critère - délicat à appliquer - de l'inscription au registre du commerce et des sociétés.

Pour résumer, la situation, en matière de prospection électronique (par courriel ou SMS) la situation est, pour le moment, la suivante :

Prospection en direction des personnes physiques :

1. Principe du consentement préalable ("opt-in"), qui s'exprime (en principe de manière "libre et éclairée") par la personne physique concernée, lors de la constitution de fichiers "opt-in" (par exemple pour bénéficier de services gratuits). La faiblesse de cette protection réside dans la possibilité d'exploitation des fichiers par les partenaires du prestataire qui a collecté les données (nominatives) et recueilli le consentement à recevoir des offres promotionnelles.

2. Principe du droit d'opposition préalable ("prior opt-out") : le client d'un site marchand doit pouvoir s'opposer a priori (lors de la collecte des données) à la prospection par les partenaires du prestataire. Seul ce dernier peut adresser des courriels de nature publicitaire ou promotionnelle. Il s'agit, en théorie, d'une protection assez efficace des consommateurs.

Prospection en direction des personnes morales :

Actuellement, le projet de LCEN exclut la double protection s'agissant des personnes morales. De sorte que les sociétés commerciales et les personnes morales n'ayant pas un objet commercial pourraient être la cible d'un nombre encore plus grand d'envois non sollicités, jusqu'à un encombrement des comptes e-mail que de plus en plus de professionnels dénoncent.

Le dispositif ainsi défini demeure assez critiquable dès lors que

  • la distinction entre les personnes physiques et les personnes morales n'est pas opérante (il y a plusieurs millions d'entreprises individuelles et de personnes morales à but non lucratif),
  • il est souvent extrêmement difficile de s'assurer a priori qu'un fichier concerne un professionnel ou un non professionnel, tant l'utilisation des moyens professionnels à des fins privées et l'utilisation des moyens privés à des fins professionnelles sont aujourd'hui choses courantes.

Il est au demeurant inefficace, car les courriels réellement gênants, proviennent, pour l'essentiel, de l'étranger et notamment du continent nord-américain, pour lequel le spam automatisé est une véritable industrie. De sorte que les solutions sont d'abord techniques (filtrage du "spam").

Pour cette raison, les politiques de marketing direct par messagerie électronique, risquent d'être sérieusement limitées dans leurs effets dans les années à venir, quel que soit le contenu de la LCEN, pour cause de filtrage systématique des courriels non expressément sollicités, ainsi que le proposent des prestataires de plus en plus nombreux (éditeurs de logiciels de sécurité, fournisseurs d'accès, etc...), compte tenu de l'exaspération des professionnels.

Trop de mailing tue le mailing...

Pascal ALIX
Avocat à la Cour



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